54ème convention de l’AMARC du 28 janvier 2022

Voici quelques extraits de mon entretien avec Marie Louis Jullien lors de la 54èmeconvention de l’AMARC

Une histoire de rencontres 

Pour Aristote, la rencontre féconde chez un homme tous les champs du possible.Nous vivons une époque de rencontres, qu’elles soient virtuelles ou physiques, et plus que jamais, la qualité du langage utilisé par les marques qualifie et nourrit ces rencontres, voire les déterminent. 

Rien que dans leurs formules d’accueil et leurs signatures de marque “Faisons connaissance” dit Alan et “Vous ne serez jamais seul” vous dit Monabanq, on le sent : la rencontre et l’accueil sont de vrais moments que les entreprises soignent et réfléchissent. D’emblée, elles vous disent “je suis là pour vous faire perdre le moins de temps possible”. Tout a changé, la sensation de service doit respirer dans le langage et la marque.

A propos de langage, les marques devraient être soutenues par leur Comex et leur Président. Prennent-elles conscience qu’elles vendent comme elles parlent et écrivent ? Au sein de leurs grandes directions leur accorde-t-on les budgets qui peuvent les aider à créer des écoles internes de langage ? Qui songe à ce fait, que l’on pense comme on parle ?

Or, la relation client est avant tout fondée par l’usage d’un langage. Ce langage devrait ressembler à la marque pour créer un lien de fidélité, une rencontre mémorable. Le client ne dit-il pas souvent : “ ce n’est pas ce que l’on m’a dit qui me heurte, mais la façon dont on me l’a dit !” qui m’a déplu.

C’est en 2009 que j’évoque pour la première fois dans Stratégies la notion de ligne éditoriale. Et en 2004, que je dépose à l’INPI la méthode de la charte sémantique. Mais heureusement, depuis quelques années, les marques parlent de tonalité. En effet, L’arrivée du son a contribué à faire comprendre aux marques qu’elles doivent posséder un style, un chant, une façon de parler qui leur est propre.

Ce qui est vrai, c’est qu’elles ont développé ces dernières années plusieurs attitudes nouvelles qui signent des tendances et se répercutent sur leur langage.

Ainsi l’utilité est une première tendance qui s’est exprimée pendant la crise sanitaire. Depuis 2 ans, l’expression écrite et orale doit quitter tout “washing” et être efficace, pédagogique, emplie de preuves. Alan et Luko s’expliquent sur leurs choix. Luko dira « pourquoi Luko vous rembourse mieux ? » Michel Edouard Leclerc s’excuse lors des crises vécues par le groupe. Les nouveaux énergéticiens vous conseillent pour choisir la meilleure offre et vous écrivent même les justes questions à vous poser, tel Butagaz qui nous fait songer à nous demander :« quel coût et quelles aides pour la dépose de ma cuve fioul ? ». Les marques viennent ainsi à votre rencontre et vous aident à penser.

L’attention au client (le soin) signe la deuxième tendance, la nouvelle façon de se relier au client.

Pour créer une vraie rencontre, les marques décrispent leurs formules de politesse et terminent leurs mails par de courtes formules comme « toujours à vos côtés » au lieu de l’expression usée « avec nos meilleures salutations ».  On pourra aussi lire « toujours heureux de pouvoir vous aider, à bientôt ». On accueille le client, certains joaillers dans des “salons virtuels” ou certaines banques dans des cafés virtuels comme ING.

Les marques cherchent à créer un parcours transversal cohérent. Le ton des bots est scruté à la lettre près. Les bots vous guident, vous facilitent vos recherches, vous donnent des idées (ils prennent souvent le nom d’agent inspirationnel), s’excusent et laissent échapper des interjections détendues et naturelles comme : “flûte cela dépasse mes compétences ” (le bot de OUIGO). 

“De quoi voulez-vous que nous parlions” dit même la marque de cosmétique Aime pendant la crise sanitaire car l’attention n’est plus de la simple personnalisation. La vraie rencontre, la vraie attention, c’est de comprendre les temps de vie du client, son ressenti. Mot majeur pour faire vivre ensuite au consommateur « une expérience ».

Enfin les marques doivent être authentiques et responsables. Loi pacte oblige, les marques sont passées depuis 30 ans par tous les temps de la RSE et doivent maintenant posséder des objectifs, une raison d’être. Incarnée dans leurs actes et leurs paroles, cette raison d’être est devenue ardente nécessité. C’est là une façon de montrer « patte verte »

Ainsi Mustela explique ses soixante ans de recherche, ses 600 preuves scientifiques et ses 140 brevets. Dyson confirme que parfois plus de 500 tests précèdent la sortie d’un produit. Chez C’est qui le patron, le client participe même à l’établissement du cahier des charges.

Butagaz est à ce sujet un modèle et offre une mascotte qui nous accompagne tout au long de la relation. La rencontre et les échanges sont réguliers, légers, instructifs et nous charment, nous emportent !C’est une histoire cohérente et chez Butagaz on semble avoir compris ce que signifie tisser un récit car la marque crée un fil d’or cohérent tout au long de ses dialogues et opportunités d’échanges de son écosystème digital[1]. Butagaz sait qu’une langue n’est pas qu’un alignement de mots.  Un langage nécessite des arguments, une logique de démonstration, un don de composition porté par une syntaxe et un style. Les marques désormais cultivent l’art de la rencontre autant grâce à des événements souvent virtuels qu’à un langage choisi.

Rencontrer, au départ veut dire « heurter par hasard », oui, mais il faut que cette opportunité de heurt devienne un lien ! Créer un lien ne doit pas pour autant être artificiel et cela dépendra entre autres du naturel et de la force et justesse du langage utilisé, surtout à l’heure du virtuel, de l’immersif. 

Souvenons-nous de ce que nous dit Elodie Mielczarek : « plus qu’un instant de communication, le langage fait et est l’homme. »


[1] Les opportunités d’échange dans l’écosystème digital de Butagaz : le service client, l’application, Zagatub, programme d’open innovation….in le Quotient d’attractivité de l’expérience client ©2021

Jeanne Bordeau, mars 2022